Les lions en voie de disparition?
Un nouveau recensement des lions est paru récemment et fait beaucoup de bruit dans les médias. Les lions, qui étaient 100 000 environ il y a 50 ans en Afrique, sont aujourd’hui 32 000. Alors que s’est il passé? Est-ce que le lion est en voie de disparition?
(si vous n’avez pas le courage de tout lire vous pouvez écouter mon interview sur RMC à ce sujet!)
UN HABITAT QUI SE REDUIT
La raison principale de ce recul est simple : dans le même temps, la population humaine a plus ou moins triplé. Les savanes, qui sont l’habitat naturel du lion, ont reculé de 75%. Quand les savanes sont transformées en terres agricoles ou en pâturages, les lions n’y trouvent plus leurs proies naturelles. Ils s’exilent – et entre en conflit avec d’autres lions, meurent de faim, ou s’attaquent au bétail humain – et sont tués par les bergers.
Dans les parcs nationaux et les zones protégées où les lions ont leur espace, isolé de celui des humains, les populations de lions se portent (globalement) bien.
LES MALADIES
Des épidémies causent régulièrement de grandes frayeurs. En 1994, un tiers des lions du Serengeti ont été décimés par la maladie de Carré – une maladie canine qui a passé la barrière des espèces.
Il y a quelques années, on a découvert que quasi tous les lions du Kruger étaient porteurs du FIV (le virus du SIDA félin, mortel pour les chats domestiques). Mais apparemment les lions sont adaptés au virus et n’en subissent aucune conséquence. Par précaution, on évite quand même de mélanger les populations porteuses du FIV et celles non porteuses (en Namibie par exemple), qui pourraient ne pas être immunisées.
En ce moment, c’est la tuberculeuse bovine qui inquiète, avec une épidémie importante dans le Parc Kruger. Les lions se contaminent en mangeant des buffles infectés. Des lions tuberculeux meurent, mais on n’est pas certains que ce soit la maladie qui les tue – la faim, la faiblesse causent les mêmes symptômes.
Les épidémies de maladie de Carré et la tuberculose Bovine ont leur origine dans la proximité entre humains et lions : les premiers porteurs de la maladie de carré sont les chiens, ceux de la tuberculose bovine les vaches. L’augmentation de la proximité entre hommes et lions accroit le risque d’épidémies.
CHASSE ET BRACONNAGE
Depuis la parution de ce recensement, de nombreuses associations montent au créneau et militent pour que le lion sont classé « espèce protégée », ce qui interdirait la chasse. Ce serait peut-être une bonne chose, mais c’est un peu plus compliqué qu’il n’y paraît.
La chasse au trophée : c’est la chasse pratiquée par des touristes, en majorité américains mais aussi européens, qui paient de véritables fortunes pour abattre un lion et ramener le trophée (la tête et la peau) chez eux. J’ai de la sympathie pour certains chasseurs, aucune pour la chasse et particulièrement la chasse aux grands animaux, lions, éléphants…
En termes de conservation, la chasse peut cependant être très utile. Elle rapporte beaucoup d’argent, et les responsables des concessions de chasse protègent des zones qui deviendraient probablement invivables pour les lions si elles n’étaient pas protégées (conversion en terres agricoles, chasse des proies du lions…). Beaucoup de ces zones ne peuvent pas être converties en parcs à vocation touristique, car elles ne sont pas très belles, ou les animaux ne sont pas assez nombreux – pour un chasseur, chercher le lion pendant 2 semaines avant de le rencontrer fait partie du plaisir, pour un touriste ça peut être frustrant…
De plus, la chasse au trophée est très réglementée : un quota est assigné à chaque zone, les lions tués doivent avoir passé un certain âge (l’idée est de ne pas tuer des mâles avec des petits, car les petits seraient alors menacés aussi). Le non respect de ces règles est puni : l’opérateur de safari peut perdre sa licence, le chasseur peut se voir refuser l’exportation de son trophée.
En théorie, beaucoup d’avantages donc… en pratique, la corruption amène parfois à dépasser les quotas, des animaux trop jeunes sont tués, l’argent généré n’est pas redistribué aux populations qui continuent de voir les lions comme des animaux purement nuisibles. Il est difficile d’évaluer l’impact global de la chasse au trophée.
Pour Sarel Van Der Merwe, président du African Lion Working Group (groupe de travail sur le lion africain) et l’un des hommes qui connait le mieux les lions au monde, il faudrait interdire complètement la chasse an Afrique de l’Ouest où les populations sont déjà très menacées (moins de 2000 lions dans la région, beaucoup de petits groupes isolés). Pour les autres régions, la question divise le African Lion Working Group – les partisans de l’interdiction semblent gagner du terrain.
La chasse en boite
Cette pratique abominable n’est pas directement une menace sur la population des lions, mais mérite d’être dénoncée.
Le « canned hunting » (littéralement « chasse en boîte ») est notamment pratiqué en Afrique du Sud. Des lions sont nés et élevés en captivité, puis relâchés dans une réserve privée (quand ce n’est pas dans un enclos) pour y être abattus par un chasseur. Ces lions n’ont aucune expérience de la vie sauvage, aucune chance de survie. Le chasseur n’est pas toujours au courant et croit parfois avoir à faire à un animal sauvage.
Les éleveurs de lions prétendent qu’ils ne voient pas où est le problème éthique, on élève bien des poulets pour les tuer, alors pourquoi pas des lions. De façon très cynique, ils proposent parfois aux touristes de jouer, toucher, donner le biberon aux lionceaux – une autre source de revenus. Les touristes ignorent que ces lionceaux si mignons sont voués à la mort dès qu’ils atteindront l’âge adulte.
Dans la mesure où ces animaux sont nés en captivité (les lions se reproduisent très facilement en captivité), cette pratique scandaleuse n’est pas une menace directe pour l’espèce. Il y a cependant un effet pervers : les carcasses des lions sont souvent exportées vers l’Asie, où les os broyés sont utilisés dans la médecine traditionnelle – en lieu et place des os de tigre devenus très difficiles à se procurer. Cela alimente une demande qui incite au braconnage.
le braconnage, précisément, prend des proportions inquiétantes depuis cette mode récente des os de lions. De plus, on attribuerait plus de vertus aux os de lions sauvages qu’aux os de lions captifs, et les prix seraient donc plus élevés.
Signalons aussi l’enlèvement de lionceaux dans les savanes – destinés à la chasse en boîte, cela évite d’avoir besoin de lions adultes reproducteurs…
Ces pratiques illégales sont par définition très difficiles à évaluer.
La chasse culturelle
Le rite de passage à l’âge adulte des jeunes guerriers Maasai, aujourd’hui interdit, est encore pratiqué. Le jeune homme doit tuer un lion, armé d’une lance et d’un bouclier – après le premier coup porté au lion les hommes de la tribu viennent l’aider. Le lion n’a guère de chances dans cette chasse traditionnelle, mais le jeune guerrier risque gros lui aussi.
En Afrique de l’Est, des lions peuvent aussi être tués pour leurs griffes, leurs dents, qui sont utilisés pour faire des bijoux à forte valeur symbolique.
LES CONFLITS HOMMES/LIONS
Ce qui menace véritablement les lions, c’est leur difficulté à vivre avec les hommes. Les lions et nous, sommes concurrents. Pour la viande, antilopes ou bétail. Pour les territoires de nos bêtes – il n’y a pas forcément assez d’herbe pour le bétail et les antilopes.
Et aussi, les lions représentent un danger – pas énorme mais existant – pour les hommes eux mêmes.
Quand les populations humaines avancent, les populations de lions reculent, chassés ou tués.
C’est compréhensible : pensez aux difficultés que nous avons en France avec quelques loups et ours; non que les bergers français soient riches, mais les fermiers africains sont souvent des familles pauvres pour lesquelles la perte du bétail peut être une question de survie. Pour eux, les lions sont une menace mortelle/
Et c’est très difficile à éviter, mais l’enjeu est là et plusieurs projets intéressants sont mis en oeuvre.
VIVRE AVEC LES LIONS?
Les compensations financières
Dans plusieurs pays, une compensation est versée aux propriétaires d’animaux tués par des lions. Cette mesure aide, mais (comme en France) ne résout pas le problème.
Identifier les animaux à problème
Ce sont souvent les mêmes lions qui s’en prennent au bétail, alors que la plupart des lions préfèrent leurs proies naturelles. L’empoisonnement, qui est la méthode habituelle pour éliminer les lions mangeurs de bétail, va tuer aussi des lions « innocents ». Identifier les lions à problème et les déplacer dans une zone sans bétail peut aider beaucoup, mais nécessite des moyens importants (présence d’un spécialiste sur place pour identifier et déplacer l’animal à problème).
Partager les revenus du tourisme
En règle générale, les bénéficiaires des revenus du tourisme (parcs, lodges…) et les victimes des lions ne sont pas les mêmes. Pour les premiers, le lion est une ressource, pour les seconds, une menace. Ces dernières années notamment en Namibie, le partage des ressources a énormément progressé. Les communautés perçoivent une partie des revenus générés par le tourisme et ne considèrent plus le lion seulement comme un problème.
Là non plus, pas de miracles – un lion qui s’attaque au bétail risque toujours gros – mais de vrais progrès. En Namibie, les populations de lions augmentent en nombre, et leur territoire s’étend, en grande partie grâce au travail du Dr Philip Stander dans la région.
Education et initiatives
Les populations africaines sont, pour beaucoup, culturellement attachées aux lions. Pour les Maasai en particulier, le lion est l’un des éléments essentiels de leur culture. Les Maasai tuent les lions qui s’attaquent à leur bétail, les affrontent dans leurs rites de passage – mais ils ne voudraient pas vivre dans un monde sans lion. Leur faire prendre conscience des menaces qui pèsent sur cet animal peut les transformer en fervents défenseurs du roi des animaux.
Surveiller les lions
Un jour avec le Dr Stander, les lionnes que nous suivions s’approchaient dangereusement du village et de son bétail – et elles n’avaient pas mangé depuis 15 jours. Nous avons prévenu les villageois de ramener le bétail dans leurs enclos.
Bien sûr pour le moment il est impossible de surveiller tous les lions. Mais des projets sont menés – en Europe, on essaie un collier « anti-loups » posé sur les brebis, qui avertit le berger par SMS quand les brebis sont soumises à un fort stress. Ce projet même s’il est un succès ne serait pas applicable aux lions, dont les attaques sont fulgurantes, mais des solutions de ce type pourraient exister dans le futur. Avec des moyens, avec de l’imagination. L’imagination est là, les moyens manquent malheureusement souvent.
Les murs vivants
Un autre projet magnifique, en Tanzanie. Le village traditionnel Maasai se compose d’un coral pour le bétail, entouré des huttes d’habitation, le tout étant entouré d’une barrière de buissons épineux destinée à arrêter les lions. Traditionnellement, les Maasai étaient nomades, passaient quelques semaines ou mois dans un village puis se déplaçaient. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus sédentaires. Et les épineux des environs, destinés à entretenir la barrière anti-lions, sont épuisés, il faut aller les chercher de plus en plus loin. Conséquences : la barrière s’affaiblit. Les lions parviennent à tuer le bétail. Les Maasai tuent les lions.
Le projet « living walls » (les murs vivants) est né d’une collaboration entre scientifiques occidentaux, africains, et populations Maasai. Ils ont trouvé une façon de construire une barrière anti-lions qui associe un simple grillage et un camphrier local. Le résultat est très solide et efficace – et aussi très peu cher et facile à entretenir. Les villageois n’ont donc plus besoin de tuer les lions pour protéger leur bétail.
EN CONCLUSION
Est-ce que le lion est en voie d’extinction? Globalement, non, mais la diminution de la population risque fort de continuer…
Certaines populations, en Afrique de l’Ouest et en Asie (il reste une centaine de lions en Inde) sont extrêmement menacées – et leurs caractéristiques génétiques sont particulières, au point que certains militent pour en faire une sous-espèce.
Ailleurs, les lions sont en relative sécurité dans les parcs nationaux et les zones protégées, malgré le braconnage et les risques d’épidémies.
En dehors des zones protégées, l’avenir des lions est des plus incertains. Dans nos pays occidentaux, nous n’avons pas réussi, ou pas voulu, vivre avec nos grands prédateurs. En Afrique, la population continue d’augmenter. Dans le monde, les terres agraires deviennent un bien convoité.
Il faudra beaucoup d’énergie de la part des amoureux des lions, et des populations locales qui leurs sont attachées, pour préserver l’habitat de cet animal magnifique. Le tourisme a un rôle important à jouer – sans lui, sans les parcs nationaux et réserves qu’il permet de préserver, le lion serait peut être vraiment en voie d’extinction!
Les sources :
– une étude récente sur la population des lions et la réduction de leur habitat dans le journal Biodiversity and Conservation.
– le site du African Lion Working Group
– le site du Dr Stander sur les lions du désert de Namibie
– le projet Living Walls
je soutien se site j adore les lion
Pourquoi que tous les pays n’interdisent pas les chasses et tueries aux lions?La mafia de l’argent est plus forte que la vie des animaux sur terre donc.La race humaine est dégoutante.
il faut eduquer les populations locales .creer des projets positifs pour inverser ce cercle vicieux…espoir
J’ai beaucoup aimé cet image, vous étes une bénédiction pour moi laisse que DIEU vous bénisse.